Oprah : Mesdames et messieurs, Michael Jackson. Bienvenue dans ta propre maison. Es-tu très nerveux ?
Michael : Je ne suis pas nerveux du tout. Je ne suis jamais nerveux.
Oprah : Ah non ? Pas même pour ta première entrevue en direct, qui sera diffusée dans le monde entier ? Je pensais que tu serais nerveux... Mais c'est tant mieux, si tu ne l'es pas, je ne le serai pas non plus. Je tiens à rappeler aux gens que, lorsque nous nous sommes entendus pour présenter cette entrevue, tu m'as dit que tu serais prêt à me parler d'absolument tout et que nous n'avons vraiment pas discuté à l'avance des questions que je vais te poser.
Michael : C'est tout à fait vrai.
Oprah : Tout à l'heure, en coulisses, quand tu regardais les vidéos datant de ton enfance, est-ce que ça te rappelait beaucoup de souvenirs ?
Michael : Oui. Ce sont des films que je n'ai pas vus depuis longtemps. C'est sûr qu'ils me rappellent des souvenirs, surtout les séquences avec mes frères, que j'aime beaucoup. Ce sont des moments formidables pour moi.
Oprah : Je t'ai vu rire quand tu as vu le clip de la chanson Baby, Baby, Baby.
Michael : Oui, parce que je pense que James Brown est un génie. Il est incroyable. Je le regardais à la télé et je me fâchais contre les cameramen parce qu'ils montraient des gros plans de son visage au lieu de nous montrer ses pas de danse. Je lançais des objets, je me mettais dans tous mes états et je répétais: "Montrez-le! Montrez-le pour que je puisse apprendre!"
Oprah : Il a donc eu une grande influence sur toi.
Michael : Oui. Il a été une source d'inspiration phénoménale.
Oprah : Qui d'autre t'a inspiré ?
Michael : Jackie Wilson. Je l'adore comme artiste. Naturellement aussi la musique Motown, et les Bee Gees, qui étaient brillants. J'aimais la bonne musique.
Oprah : J'ai regardé ces anciens clips de toi et pas mal tout ce que tu as fait. En regardant ces clips, surtout lorsque tu étais très jeune, on a l'impression que tu t'animes lorsque tu te retrouves sur scène. Étais-tu aussi heureux en dehors de la scène que tu semblais l'être sur scène ?
Michael : La scène, c'était mon chez-moi. Je m'y sentais très bien, et c'est encore ainsi. Je me sens mieux sur scène que dans la vie. Quand je sortais de scène, la tristesse s'emparait de moi.
Oprah : Tu étais triste, même à tes débuts ?
Michael : Je me sentais seul et triste d'avoir à assumer ma popularité et tout ça. Il y a quand même des moments où j'ai eu beaucoup de plaisir avec mes frères. Nous nous engagions dans des batailles d'oreillers et des trucs du genre. Mais, la plupart du temps, je me sentais seul et je pleurais.
Oprah : À quel âge ?
Michael : Très jeune, vers huit, neuf ans.
Oprah : Quand vous êtes tous devenus célèbres ?
Michael : Oui.
Oprah : Ce n'était donc pas ce que la plupart des gens croyaient, c'est-à-dire une merveilleuse aventure, un rêve. Je me rappelle avoir moi-même déjà rêvé d'épouser Jackie Jackson, ton frère. Pour nous tous, ça semblait être la chose la plus formidable du monde.
Michael : Effectivement, c'est formidable. On voyage partout dans le monde, on voit des tas de chose, on rencontre beaucoup de gens... C'est fantastique, mais il y a aussi un autre côté. Je ne m'en plains pas, mais les répétitions ne sont pas des parties de plaisir, et il faut consacrer beaucoup de temps au travail. Il faut se donner totalement à ce métier.
Oprah : L'autre jour, j'ai parlé à Suzanne De Passe, qui a longtemps travaillé avec toi à l'époque de Motown. Elle a trouvé, entre autres, vos costumes pour le Ed Sullivan Show et elle s'occupait de plein de choses pour vous. Elle a une théorie intéressante au sujet de ton enfance, à savoir si, oui ou non, elle a été gaspillée. Considères-tu que tu as perdu ton enfance ?
Michael : Surtout maintenant, je commence à repenser à tout ça et je comprends ce qui s'est passé. J'ai fait mes études à raison de trois heures par jour avec un tuteur. Tout de suite après, j'étais dans les studios d'enregistrement, où je passais presque tout mon temps. J'enregistrais jusqu'à ce que ce soit l'heure d'aller au lit. Je me rappelle: il y avait un parc en face du studio, et je voyais les enfants jouer. Ça me faisait pleurer. Je me sentais triste. Je continuais de travailler, mais j'étais triste.
Oprah : Nous allons écouter ce que Suzanne a à dire.
<< Michael Jackson avait neuf ans, il allait bientôt en avoir dix. C'était un petit garçon. Il montait sur scène et il devenait une superstar. Il a perdu la possibilité d'être un enfant avant d'avoir atteint l'âge de douze ans. Il lui était impossible d'aller où que ce soit sans un garde du corps, sans une limousine, sans que des gens le protègent contre son succès. Il ne pouvait même pas aller au parc ou au cinéma avec des copains. Je pense qu'il a payé très cher.>>
Oprah : Suzanne dit que tu as payé très cher. J'aimerais savoir si tu penses la même chose du fait que tu as perdu ton enfance ou que tu as mené ce genre de vie.
Michael : On ne peut pas faire la même chose que les autres enfants. Des choses aussi simples que tout ce que les autres tiennent pour acquis, comme avoir des amis, aller à des parties, avoir des copains, ne rien faire. Je n'ai rien eu de tout ça. Mes frères étaient mes seuls amis.
Oprah : Enfant, je m'amusais, je jouais avec mes poupées, il m'arrivait de parler toute seule. Je pense que tous les enfants ont besoin d'un endroit où il peuvent se réfugier, un endroit où ils peuvent vivre dans leur petit monde imaginaire. As-tu pu le faire à un moment ou l'autre ?
Michael : Non. Je pense que c'est parce que je n'ai pas eu d'enfance qu'aujourd'hui j'essaie de compenser. Les gens se demandent pourquoi je suis toujours entouré d'enfants. C'est parce que je trouve à travers eux les choses que je n'ai jamais eues. Disneyland, les parcs d'attractions, les arcades. J'adore tout ça parce que, quand j'étais petit, je ne faisais que travailler. Entre les concerts, j'étais en studio pour enregistrer, je donnais des entrevues à la télé ou j'étais en séance de photo. Il y avait toujours quelque chose à faire.
Oprah : Smokey Robinson et d'autres ont dit que tu étais comme une âme de vieillard dans un corps d'enfant. As-tu l'impression qu'ils avaient raison ?
Michael : Je me rappelle qu'on me répétait très souvent ça. On a aussi dit que j'étais un nain de 45 ans. Mais je n'ai jamais pensé à ça. C'est comme les gens qui se demandent si je me rendais compte à quel point j'étais bon quand j'étais petit, je n'y ai jamais pensé.
Oprah : Alors, tu étais là à obtenir tous ce succès et tu pleurais parce que tu ne pouvais pas être comme les autres enfants ?
Michael : J'adore le show-business. J'aime toujours autant le show-business, mais, quand on est enfant, il y a des moments où on veut jouer et s'amuser. Et c'est ça qui me rendait triste. Je me rappelle une fois où nous devions nous rendre en Amérique du Sud. Tous nos bagages étaient prêts. J'ai beaucoup pleuré parce que je ne voulais pas y aller, je voulais jouer.
Oprah : Tes frères étaient-ils jaloux de voir que tu monopolisais l'attention du public ?
Michael : Pas à ma connaissance. Non.
Oprah : Tu n'as jamais senti qu'ils étaient jaloux ?
Michael : Non. Je pense qu'ils savaient que je pouvais faire certaines choses, et ils n'en étaient pas jaloux. Du moins, je n'ai jamais senti ça.
Oprah : As-tu l'impression qu'ils sont jaloux de toi maintenant ?
Michael : Je ne le pense pas.
Oprah : Où en sont tes relations avec ta famille ? Êtes-vous près les uns des autres ?
Michael : J'aime beaucoup ma famille et j'aimerais pouvoir les voir plus souvent. Mais nous comprenons la situation parce que nous sommes une famille d'artistes et nous travaillons tous. Mais nous avons des journées en famille où nous nous réunissons tous chez moi ou à la maison de Marlon, de Tito ou d'un autre. Nous bavardons, nous essayons de rattraper le temps perdu. Chacun apprend alors ce que les autres font.
Oprah : Est-ce que le livre de La Toya t'a causé des ennuis ? Que penses-tu de ce qu'elle a dit de votre famille ?
Michael : Je n'ai pas lu le livre de La Toya. Je sais seulement que j'aime beaucoup ma soeur et que je l'aimerai toujours. Je la vois uniquement comme la La Toya de notre enfance, une fille joyeuse et aimante. Alors, je ne peux pas répondre à ta question.
Oprah : Penses-tu que ce qu'elle a dit est vrai ?
Michael : Je ne peux pas le dire. Honnêtement, je n'ai pas lu le livre. C'est la vérité.
Oprah : Si nous revenions à tes angoisses. Tu n'avais personne avec qui jouer, tu ne faisais jamais la fête... Je me demande comment s'est déroulé ton adolescence après avoir été ce mignon petit garçon que tout le monde adorait, qui était en quelque sorte un enfant prodige.
Michael : Mon adolescence a été très, très difficile. Je pense que tous les enfants vedettes souffrent au cours de cette période parce qu'on n'est plus l'enfant charmant qu'on était auparavant, qu'on commence à grandir et que le public veut nous garder jeune pour toujours. Je souffrais d'acné, et ça m'intimidait énormément. Je ne me regardais pas et je me lavais le visage dans le noir. Je ne voulais pas me voir dans le miroir, et mon père se moquait constamment de moi. Je détestais ça et je pleurais tous les jours.
Oprah : Ton père te taquinait au sujet de ton acné ?
Michael : Il me disait que j'étais laid... Désolé, Joseph.
Oprah : Quel genre de relations entretiens-tu avec lui ?
Michael : J'aime beaucoup mon père. Mais je ne le connais pas.
Oprah : Lui en veux-tu d'avoir fait ça ?
Michael : Si je lui en veux ?
Oprah : L'adolescence est suffisamment pénible sans qu'un de tes parents vienne te dire que tu es laid.
Michael : C'est très difficile. Parfois, ça me fâche parce que je le connais pas comme j'aimerais le connaître. Ma mère, par contre, est formidable. Pour moi, elle représente la perfection. J'aimerais seulement pouvoir comprendre mon père.
Oprah : Parlons de ton adolescence. Est-ce à ce moment-là que tu as commencé à devenir introverti ? Tu n'as pas parlé au public depuis quatorze ans. Je crois que c'est à peu près à ce moment-là que tu as accordé ta dernière entrevue télévisée. Tu t'es tourné vers l'intérieur, tu es volontairement devenu un reclus. Était-ce pour te protéger ?
Michael : J'avais l'impression que je n'avais rien d'important à dire. Ces années furent les plus tristes de ma vie.
Oprah : Pourquoi étais-tu si triste alors que sur scène tu débordais d'énergie ?
Michael : Il y avait beaucoup de tristesse dans ma vie. L'adolescence, mon père... tout ça me rendait triste.
Oprah : Il te taquinait, il se moquait de toi. T'a-t-il déjà battu ?
Michael : Oui.
Oprah : Ça devait être difficile à prendre, d'être battu et ensuite obligé de monter sur scène. Pourquoi te battait-il ?
Michael : Il me considérait comme un enfant privilégié, et je devais être parfait en tout. Certains disaient qu'il accordait simplement de l'importance à la discipline, mais il était très sévère, très austère. Son seul regard suffisait à nous effrayer.
Oprah : Avais-tu peur de lui ?
Michael : Beaucoup. J'étais terrorisé. Il y a des fois où il venait me voir, et ça me rendait malade. Je me mettais à vomir.
Oprah : Quand tu étais enfant ou adulte ?
Michael : Les deux. Il ne m'a jamais entendu parler de ça. Je suis désolé. Papa, s'il te plaît, ne m'en veux pas.
Oprah : J'imagine qu'on doit tous prendre nos responsabilités pour ce qu'on fait dans la vie. Et ton père ne fait pas exception.
Michael : Mais je l'aime et je lui pardonne.
Oprah : Peux-tu vraiment pardonner si tu ne t'es jamais vraiment fâché? Si tu n'as pas réussi à surmonter le problème ?
Michael : Oui, je pardonne. On a publié tellement d'ordures à mon sujet. On a écrit tellement de choses fausses, de mensonges sur moi. Ce sont des choses dont je veux parler. La presse a tellement publié de rumeurs horribles à mon sujet. C'est souvent si loin de la vérité que ça me fait réaliser que plus une personne raconte de mensonges, plus on entend un mensonge, plus on finit par y croire. Si on le répète assez, les gens finissent par le croire.
Oprah : On a parlé de toutes ces rumeurs, et il y en a tellement que j'ai dû les prendre en note. J'ai passé la journée ici et j'ai visité tous les recoins de la maison pour trouver le réservoir d'oxygène dans lequel on dit que tu dors et je ne l'ai pas trouvé.
Michael : Cette histoire est tellement stupide. C'est une de ces nouvelles inventées par les tabloïds.
Oprah : Oui, mais on te voit en photo dans quelque chose. D'où cela provient-il ?
Michael : J'ai tourné un commercial pour Pepsi au cours duquel j'ai été gravement brûlé, et nous avons donné tout l'argent que ce commercial m'a rapporté, soit quelques millions de dollars, pour construire un centre pour les grands brûlés, qui porte le nom de Michael Jackson. Ce réservoir fait partie de l'équipement qu'ils utilisent pour les brûlés. Je l'ai essayé. Des gens ont pris des photos, et ceux qui les ont développées les ont vendues. Elles ont fait le tour du monde avec les mensonges qui s'y rattachaient. C'est tout à fait faux. Il ne faut jamais juger les gens sans leur avoir parlé. Il ne faut pas les juger par ce qu'on lit dans les tabloïds.
Oprah : On a dit que tu dormais dans ce réservoir parce que tu refusais de vieillir.
Michael : C'est tout à fait idiot. Je suis prêt à pardonner à la presse et à tout le monde. On m'a enseigné à aimer et à pardonner, mais, s'il vous plaît, ne croyez pas toutes ces histoires.
Oprah : As-tu acheté les os de l'homme-éléphant ?
Michael : Non. C'est encore une histoire stupide. J'aime l'histoire de l'homme-éléphant. Ça me fait beaucoup penser à moi. Je peux m'identifier à lui. Il me fait pleurer. Mais où est-ce que je pourrais ranger et conserver des os ?
Oprah : Mais ça vient d'où ? Des gens inventent ces histoires et d'autres les croient ?
Michael : Oui, et des gens font de l'argent en vendant des tabloïds.
Oprah : On a raconté récemment que tu voulais qu'un jeune enfant de race blanche te personnifie dans un commercial de Pepsi. Peux-tu nous dire ce qu'il en est ?
Michael : C'est tellement stupide! C'est l'histoire la plus horrible que j'aie entendue. C'est complètement fou. Pourquoi ? Premièrement, on a utilisé mon visage quand j'étais enfant. Pourquoi est-ce que je voudrais qu'un Blanc me personnifie ? Je suis noir et fier de l'être. Je suis fier de ma race et de ce que je suis. C'est aussi ridicule que si toi, tu voulais qu'une Orientale te personnifie dans un film. Alors, cessez de croire tout ça !